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Art et Meditation - decembre 2022

Eva per sito

Albrecht Dürer (Nuremberg 1471 – 1528), Ève, 1507, huile sur panneau, 209 x 80 cm, Madrid, Musée du Prado. 

Mois de décembre. 

Femmes de l’Ancien Testament : Ève. 

Dieu dit : « Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance. Qu’il soit le maître des poissons de la mer, des oiseaux du ciel, des bestiaux, de toutes les bêtes sauvages, et de toutes les bestioles qui vont et viennent sur la terre. » Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, il les créa homme et femme. Dieu les bénit et leur dit : « Soyez féconds et multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la. Soyez les maîtres des poissons de la mer, des oiseaux du ciel, et de tous les animaux qui vont et viennent sur la terre. » Dieu dit encore : « Je vous donne toute plante qui porte sa semence sur toute la surface de la terre, et tout arbre dont le fruit porte sa semence : telle sera votre nourriture. Aux bêtes sauvages, aux oiseaux du ciel, à tout ce qui va et vient sur la terre et qui a souffle de vie, je donne comme nourriture toute herbe verte. » Et ce fut ainsi. Et Dieu vit tout ce qu’il avait fait : c’était très bon. Il y eut un soir, il y eut un matin : ce fut le sixième jour.

Adam donna à sa femme le nom d'Eve : car elle a été la mère de tous les vivants. (Gn : 1, 26-31 ; 3, 20)

 

Notre voyage dans l'Ancien Testament se termine par un retour au début de la Bible, à la première femme qu'on rencontre, celle que l'on a appelée Eve parce qu'elle était la mère de tous les êtres vivants.

Elle a fait naître Adam, Caïn et Abel, et a vécu le drame de la désobéissance à Dieu, de la perte d'un fils aux mains de l'autre. Pourtant, le moment capturé par le grand peintre allemand est toujours un moment de beauté et de perfection : Eve a bien maintenant dans sa main le fruit que l'astucieux serpent lui tend, mais elle n'en a pas encore mangé, elle ne l'a pas encore apporté à Adam. Elle est encore la femme dans sa plénitude. Et d'ailleurs, même la nudité ne cause aucun trouble, car elle se situe toujours dans le contexte du jardin d'Eden où Dieu avait placé les premiers parents pour le cultiver et le garder ; En effet, la Bible nous rappelle : « L'homme et sa femme étaient tous deux nus, et ils n'en avaient point honte » (Gn : 2, 25).

Un détail à ne pas sous-estimer en contemplant ce grand panneau (il fait plus de deux mètres de haut, pratiquement de taille normale), est de savoir qu'il existe un tableau aux mêmes caractéristiques mais représentant Adam, également conservé au Musée du Prado (Madrid), que Dürer a peint pour le même donneur d’ordre. Les deux tableaux sont donc ensemble depuis plus de 500 ans !

Sur la figure d'Eve, on est d'abord frappé par le soin que le peintre a apporté aux détails individuels : la belle couleur du teint, la chevelure flottante qui semble mue par un vent dont nous n'avons pas conscience, la perfection du visage avec ses sourcils bien taillés, les lèvres roses, le nez parfait, les yeux sombres qui semblent avoir un léger strabisme, ce qui, dans l'Antiquité, était considéré comme synonyme de beauté (le soi-disant « Strabisme de Vénus »).

La scène est entièrement dominée par Ève, l'arrière-plan est sombre comme pour mieux souligner la légèreté de son corps ; à gauche et sur toute la hauteur du panneau, on peut apercevoir l'arbre dont le serpent a arraché le fruit qu'il a ensuite offert à la femme. Le sol sur lequel Ève semble marcher est nu, donc, on ne voit que de la poussière et des pierres.

Un autre détail vraiment important est l'inscription que nous lisons dans le cartouche qui est suspendu à une branche de la partie inférieure du tronc et qui sert également de support à Ève. Il s'agit de l'inscription avec laquelle le peintre signe le tableau et nous indique la date à laquelle il l'a réalisé. On lit : « Alberto Dürer almano / faciebat post virginis / partum – 1507 - / AD [anagramme] ». Le fait que le peintre indique que le tableau a été réalisé 1507 ans après l'accouchement de la Vierge Marie (et non « post Christum natum », après la naissance du Christ, comme on aurait pu s'y attendre) est délibéré : Marie est la nouvelle Ève, celle qui, en apportant le Christ à l'humanité, est devenue pour toujours la « mère de tous les vivants ». Ainsi, avec la présence physique d'Eve et du serpent et la présence évoquée par le cartouche de Marie, la parole que Dieu prononce à l'adresse du serpent après le péché commis par Eve et Adam s'accomplit ici aussi : « Je mettrai inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité : celle-ci t'écrasera la tête, et tu lui blesseras le talon ». (Gn 3, 15).

Eve comme figure de Marie, Marie comme mère de Jésus : dans ces deux femmes, nous trouvons la synthèse de l'histoire du salut.

(Contribuition de Vito Pongolini)