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Art et méditation - août 2023

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Dierick Bouts (Haarlem 1410 environ – Louvain 1475), Jésus chez Simon le pharisien, entre le 1450 et le 1475, huile sur bois de chêne, cm 42,2 x 62,5, Berlin, Gemäldegalerie

Mois d’août. 

Femmes du Nouveau Testament: la pécheresse dans la maison de Simon. 

En ce temps-là, un pharisien avait invité Jésus à manger avec lui. Jésus entra chez lui et prit place à table. Survint une femme de la ville, une pécheresse. Ayant appris que Jésus était attablé dans la maison du pharisien, elle avait apporté un flacon d’albâtre contenant un parfum. Tout en pleurs, elle se tenait derrière lui, près de ses pieds, et elle se mit à mouiller de ses larmes les pieds de Jésus. Elle les essuyait avec ses cheveux, les couvrait de baisers et répandait sur eux le parfum.

En voyant cela, le pharisien qui avait invité Jésus se dit en lui-même : « Si cet homme était prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche, et ce qu’elle est : une pécheresse. » Jésus, prenant la parole, lui dit : « Simon, j’ai quelque chose à te dire. – Parle, Maître. » Jésus reprit : « Un créancier avait deux débiteurs ; le premier lui devait cinq cents pièces d’argent, l’autre cinquante. Comme ni l’un ni l’autre ne pouvait les lui rembourser, il en fit grâce à tous deux. Lequel des deux l’aimera davantage ? » Simon répondit : « Je suppose que c’est celui à qui on a fait grâce de la plus grande dette. – Tu as raison », lui dit Jésus. Il se tourna vers la femme et dit à Simon : « Tu vois cette femme ? Je suis entré dans ta maison, et tu ne m’as pas versé de l’eau sur les pieds ; elle, elle les a mouillés de ses larmes et essuyés avec ses cheveux. Tu ne m’as pas embrassé ; elle, depuis qu’elle est entrée, n’a pas cessé d’embrasser mes pieds. Tu n’as pas fait d’onction sur ma tête ; elle, elle a répandu du parfum sur mes pieds. Voilà pourquoi je te le dis : ses péchés, ses nombreux péchés, sont pardonnés, puisqu’elle a montré beaucoup d’amour. Mais celui à qui on pardonne peu montre peu d’amour. » Il dit alors à la femme : « Tes péchés sont pardonnés. » Les convives se mirent à dire en eux-mêmes : « Qui est cet homme, qui va jusqu’à pardonner les péchés ? » Jésus dit alors à la femme : « Ta foi t’a sauvée. Va en paix ! » (Luc 7, 36-50)

 

Le petit panneau peint reproduit fidèlement l'histoire de l'Évangile. Il semble même le comprimer dans un espace étroit, peut-être pour rendre la scène encore plus évidente. La présence à droite du client (on ne connaît pas son nom, mais on comprend par l'habit qu'il s'agit d'un moine chartreux) nous dit d'abord que ce qui est relaté par le tableau nous concerne, c'est une scène que chacun d'entre nous doit contempler et méditer. Et le fait que l'apôtre Jean, à droite, ait l´air de se diriger vers le moine à genoux confirme tout cela.

Mais venons-en au sujet de la peinture. Nous sommes chez Simon, la table est dressée pour le déjeuner, Jésus est à droite du propriétaire, alors que Pierre est à sa gauche. Les personnages principaux bougent, ils regardent par-dessus la table, car il s'est passé quelque chose : une femme est entrée, elle se penche aux pieds de Jésus, les mouille de ses larmes, les sèche de ses cheveux, les parfume. Cet inattendu suscite trois réactions différentes chez les trois protagonistes qui se trouvent face à nous spectateurs. Simon, au centre, semble irrité par l'interruption, la bouche entrouverte et son regard impatient semblent presque chercher une solution immédiate à la situation qui s'est présentée et qui, selon lui, dérange Jésus. Pierre, à la gauche du maître de maison, semble à son tour vouloir supprimer le spectacle inconvenant que donne la femme. Et enfin Jésus, à la droite de Simon, qui regarde concentré ce que fait la femme, sans retirer son pied, mais qui semble plutôt l'offrir. Et le fait que sa main droite bénisse la femme confirme ce que dit clairement le récit évangélique : beaucoup lui est pardonné parce qu'elle a beaucoup aimé.

Et nous voilà enfin à elle, la femme dont nous ne connaissons même pas le nom. Elle est reléguée dans l'angle gauche du tableau, elle a pris la pose des domestiques, mais on ne peut s'empêcher de jeter le regard sur elle. On est frappé par ses beaux cheveux blonds et ondulés, ses mains fuselées, le pot de l'onguent parfumé près de sa main droite. Curieusement, les couleurs de ses vêtements – le vert de sa robe et le rouge/bleu de son manteau – rappellent respectivement les couleurs des vêtements de Simon et de Pierre, ceux qui la critiquent clairement et voudraient l'éloigner de Jésus. Au contraire, son attitude et son choix silencieux de se déclarer au service du Messie lui ont valu la considération, le pardon et la bénédiction du Seigneur.

A elle, une femme courageuse qui a su défier la culture de l'époque, la médisance des gens, les préjugés des bien-pensants, va toute notre admiration et le désir de pouvoir faire poser sur nous, comme elle a su faire, le regard bienveillant et salvateur du Seigneur Jésus.

J'aime penser que même l'extrême soin avec lequel le peintre flamand a représenté chaque détail (le merveilleux travail géométrique du sol, le réalisme des poissons préparés pour le dîner, le parfum des petits pains, la transparence des verres, la préciosité des veines du marbre de la colonne qui à gauche s'ouvre sur une terrasse d'où l'on peut voir un beau paysage, le cuir rouge souple des chaussures de Simon et son précieux chapeau ...) est un hommage à la protagoniste du tableau, à la femme qui bientôt quittera en paix cette chambre où elle a rencontré Jésus. Et elle ne sera probablement plus la même qu'avant, car elle a connu la miséricorde et le pardon.

(Contribution de Vito Pongolini)