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©Pinacoteca di Brera, Milano
Le Guerchin, Giovan Francesco Barbieri dit (Cento 1591 – Bologne 1666), Abraham renvoie Agar et Ismaël, 1657, huile sur toile, cm 115 x 152, Milan, Pinacothèque de Brera
Mois d’avril.
Femmes de l’Ancien Testament: Agar.
On connaît exactement l'origine de cette toile. Elle a été commandée au peintre par la communauté de Cento qui voulait rendre hommage au cardinal légat de Ferrara Lorenzo Imperiali. Nous ne connaissons pas la raison du choix du sujet, cependant nous sommes conscients que ce que l'image nous présente est relaté au chapitre 21 du livre de la Genèse. Déjà au chapitre 16 il est dit que Sara, la femme d'Abraham, ne pouvant avoir d'enfant, propose à son mari de donner un enfant à son esclave Agar afin que le mari puisse avoir une progéniture. C'est chose faite et, malgré quelques tensions entre les deux femmes, apaisées par l'intervention de l'ange du Seigneur, “Agar enfanta un fils à Abraham, qui lui donna le nom d’Ismaël. Abraham avait quatre-vingt-six ans quand Agar lui enfanta Ismaël” (Genèse 16, 15-16).
Mais après que Sara eut également donné naissance à Isaac, l'incompréhension et la jalousie sont revenues dans la famille. Sara demande à Abraham de chasser Agar et son fils. La Bible nous dit que “cette parole attrista beaucoup Abraham, à cause de son fils Ismaël, mais Dieu lui dit : «Ne sois pas triste à cause du garçon et de ta servante; écoute tout ce que Sara te dira, car c’est par Isaac qu’une descendance portera ton nom; mais je ferai aussi une nation du fils de la servante, car lui aussi est de ta descendance.» Abraham se leva de bon matin, il prit du pain et une outre d’eau, il les posa sur l’épaule d’Agar, il lui remit l’enfant, puis il la renvoya. Elle partit et alla errer dans le désert de Bershéba” (Genèse 21, 11-14).
La peinture de Guerchin représente le moment dramatique de l'éloignement et de la séparation entre Abraham et Agar avec son fils Ismaël.
La scène est réduite à l'essentiel, il y a tous les protagonistes au premier plan tandis qu'en arrière-plan une colonne et le ciel bleu ressemblent à un décor théâtral.
Le premier élément qui nous frappe est que Sara, à gauche, est représentée de dos, comme si elle partait. En fait c'est elle qui fut la cause de l'expulsion d'Agar, c'est elle qui demanda et obtint d'Abraham d'éloigner Ismaël, maintenant un jeune garçon, de son petit Isaac. Le choix donc de ne pas la montrer même de face semble presque un jugement pas trop bienveillant envers elle de la part du peintre ou du commanditaire de la toile.
Le deuxième élément sur lequel nous insistons est la figure d'Abraham. Tant de détails nous montrent que nous sommes devant l’hôte: l'élégance du costume, le soin avec lequel sont représentés les poignets dépassant des larges manches, les mains manucurées, le beau turban bleu qui lui couvre la tête, la barbe blanche flottante qui encadre son visage désormais vieux. Il a maintenant pris sa décision, comme en témoigne l'index de sa main droite avec lequel il indique la direction à prendre à Agar, même si avec sa main gauche on ne comprend pas s’il compte lui dire au revoir ainsi qu'à son premier enfant ou les assurer qu'il ne les oubliera pas, aussi fort de la promesse que Dieu lui a faite par rapport à Ismaël.
Et enfin nous arrivons à Agar, maintenant prête pour sa destination inconnue, comme en témoigne l’outre d'eau qui ne cesse de se vider. Elle nous est présentée comme une femme élégante dans sa dignité. Ses yeux se voilent de larmes car elle se rend compte que l'épreuve à laquelle elle est appelée est très exigeante, car elle entend le petit Ismaël s'accrocher à elle en pleurant, ne comprenant pas pourquoi il doit abandonner sa maison, ses jeux, ses certitudes. Le regard d'Agar est tourné vers Abraham et dans ce regard on lit l'incrédulité, la douleur, l'émerveillement.
L'histoire d'Agar se termine rapidement, et dans le même chapitre 21 du livre de la Genèse, nous lisons que: “Dieu entendit la voix du petit garçon; et du ciel, l’ange de Dieu appela Agar :«Qu’as-tu, Agar? Sois sans crainte, car Dieu a entendu la voix du petit garçon, sous le buisson où il était. Debout! Prends le garçon et tiens-le par la main, car je ferai de lui une grande nation». Alors, Dieu ouvrit les yeux d’Agar, et elle aperçut un puits. Elle alla remplir l’outre et fit boire le garçon. Dieu fut avec lui, il grandit et habita au désert, et il devint un tireur à l’arc. Il habita au désert de Parane, et sa mère lui choisit une femme du pays d’Égypte” (Genèse 21, 17-21).
Agar était donc une femme forte, qui a su affronter les malheurs de la vie aussi parce que la présence bienveillante de Dieu ne lui a jamais fait défaut, à elle et à son fils Ismaël.
(Contribution de Vito Pongolini)