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Denys Calvaert (Anvers 1540 environ – Bologne 1619), Abraham et les Trois Anges, environ 1600, huile sur toile, 147 x 161 cm, Madrid, Musée du Prado.
Mois de novembre.
Femmes de l’Ancien Testament : Sarah.
Aux chênes de Mambré, le Seigneur apparut à Abraham, qui était assis à l’entrée de la tente. C’était l’heure la plus chaude du jour. Abraham leva les yeux, et il vit trois hommes qui se tenaient debout près de lui. Dès qu’il les vit, il courut à leur rencontre depuis l’entrée de la tente et se prosterna jusqu’à terre. Il dit : « Mon seigneur, si j’ai pu trouver grâce à tes yeux, ne passe pas sans t’arrêter près de ton serviteur. Permettez que l’on vous apporte un peu d’eau, vous vous laverez les pieds, et vous vous étendrez sous cet arbre. Je vais chercher de quoi manger, et vous reprendrez des forces avant d’aller plus loin, puisque vous êtes passés près de votre serviteur ! » Ils répondirent : « Fais comme tu l’as dit. » Abraham se hâta d’aller trouver Sara dans sa tente, et il dit : « Prends vite trois grandes mesures de fleur de farine, pétris la pâte et fais des galettes. » Puis Abraham courut au troupeau, il prit un veau gras et tendre, et le donna à un serviteur, qui se hâta de le préparer. Il prit du fromage blanc, du lait, le veau que l’on avait apprêté, et les déposa devant eux ; il se tenait debout près d’eux, sous l’arbre, pendant qu’ils mangeaient. Ils lui demandèrent : « Où est Sara, ta femme ? » Il répondit : « Elle est à l’intérieur de la tente. » Le voyageur reprit : « Je reviendrai chez toi au temps fixé pour la naissance, et à ce moment-là, Sara, ta femme, aura un fils. » Or, Sara écoutait par-derrière, à l’entrée de la tente. Abraham et Sara étaient très avancés en âge, et Sara avait cessé d’avoir ce qui arrive aux femmes. Elle se mit à rire en elle-même ; elle se disait : « J’ai pourtant passé l’âge du plaisir, et mon seigneur est un vieillard ! » Le Seigneur Dieu dit à Abraham : « Pourquoi Sara a-t-elle ri, en disant : “Est-ce que vraiment j’aurais un enfant, vieille comme je suis ?” Y a-t-il une merveille que le Seigneur ne puisse accomplir ? Au moment où je reviendrai chez toi, au temps fixé pour la naissance, Sara aura un fils. » Sara mentit en disant : « Je n’ai pas ri », car elle avait peur. Mais le Seigneur répliqua : « Si, tu as ri. » (Livre de la Genèse 18, 1-15)
Le tableau de Calvaert nous montre la scène décrite dans le chapitre du Livre de la Genèse ci-dessus. Visuellement aussi, nous sommes frappés par la densité de la toile : Abraham avec les trois anges au premier plan, la table dressée, le beau paysage à l’arrière-plan et le grand arbre sous les branches duquel, outre la table, la tente d'Abraham a également trouvé sa place. Et de la tente, comme nous le dit le passage biblique, vient Sarah, l’épouse d'Abraham, désormais résignée à l'impossibilité de donner un enfant à son mari bien-aimé. Elle sait que ce qu'elle a entendu des trois personnages ne se réalisera jamais. Il n'est pas possible d'aller contre-nature, il n'est pas possible qu'un enfant naisse de parents âgés. C'est pourquoi elle se permet de rire et de sourire de la naïveté des trois jeunes anges.
Un aspect que je voudrais souligner maintenant n'est pas tant la dialectique entre le peu de foi des deux anciens et le fait que rien n'est impossible au Seigneur, mais plutôt la différence des plans dans lesquels Sarah et Abraham sont placés dans le tableau et dans l'histoire du salut.
Encore une fois, le premier plan est réservé à Abraham, l'homme, le chef de famille. C'est lui qui accueille les trois anges, c'est lui qui les invite, les nourrit, fait préparer les focacce et cuire le veau spécialement sacrifié pour eux. Sarah, par contre, est en arrière-plan, regardant à travers la tente, vêtue de sa belle robe ; elle semble observer de loin ceux qui semblent être les acteurs de la scène.
C'est la situation que l’on retrouve souvent dans une société patriarcale : la femme est toujours un pas en arrière, même si bien souvent c'est elle qui soutient et gouverne la famille : qui, par exemple, pétrit la farine et prépare les focacce ? S'ils avaient attendu Abraham, les trois jeunes gens seraient probablement restés à jeun !
De manière significative, la conversation entre Abraham et ses trois invités porte finalement sur Sarah. La femme d'Abraham est dans la tente, mais même dans ce lieu caché, elle a trouvé grâce auprès de Dieu, qui s’apprête à lui offrir le cadeau le plus important pour une femme de son temps : un fils, qui naîtra malgré l’infertilité et la vieillesse. C'est Sarah qui va au-devant de la scène, c'est elle qui voit la considération qui lui est accordée changer substantiellement : elle n'est plus seulement l'épouse du patriarche, mais aussi la mère, celle qui donnera naissance au fils qui poursuivra la lignée familiale.
Combien Sarah a-t-elle dû supporter pendant ces années ? Combien de sourires ironiques, combien de moqueries, combien de murmures ? Mais maintenant, une nouvelle vie commence, que le Seigneur lui a donnée, gage de loyauté et de bienveillance.
(Contribuition de Vito Pongolini)