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Piero Pollaiuolo (Florence 1441 – Rome 1496), La Tempérance, 1470, tempera grasse sur bois, cm 168 x 90,5, Florence, Musée des Offices
Les vertus: la Tempérance
Nous voulons également commencer cette réflexion avec les paroles du pape François, qui a consacré l'audience du mercredi 17 avril à la dernière des vertus « cardinales », la Tempérance. Et il a rappelé que elle “ est la vertu de la juste mesure. Dans toutes les situations, on se comporte avec sagesse, car les personnes qui agissent toujours sous le coup de l'impulsion ou de l'exubérance ne sont finalement pas fiables. Les personnes sans tempérance ne sont pas toujours fiables. Dans un monde où tant de gens se vantent de dire ce qu'ils pensent, le tempérant préfère au contraire penser ce qu'il dit. Saisissez-vous la différence ? Ne pas dire ce qui me vient à l’esprit, ainsi... Non, penser à ce que je dois dire. Il ne fait pas de promesses en l'air, mais prend des engagements dans la mesure où il peut les tenir”.
Piero Pollaiuolo, dans le dernier panneau du cycle consacré aux vertus que nous envisageons, a également peint avec soin la Tempérance, en conservant les caractéristiques que nous avons déjà remarquées dans les autres tableaux : un trône de marbre sur lequel est assise la Tempérance reposant sur un une prédelle qui donne du relief et rehausse la silhouette de la jeune femme, un tapis qui recouvre tout le sol et le rend si raffiné.
La Tempérance, comprise comme la capacité de modération et de juste mesure, est représentée par Piero comme une jeune femme en train de mélanger de l'eau chaude avec de l'eau froide, la versant d'une cruche dans une bassine. Deux choses nous frappent à propos de cette représentation. Tout d'abord, la préciosité de la cruche et du bassin en métal : ils sont en effet tous deux décorés de pierres précieuses, avec une précision qui, on le sait, découle de la grande familiarité qu'avait Piero avec l'orfèvrerie, pratiquée avec beaucoup de succès et de maîtrise notamment par son frère Ambrogio. La deuxième chose que l'on ne peut s'empêcher de remarquer est la complexité et la vigueur avec lesquelles les plis de la robe et du manteau sont rendus : on peut bien dire qu'ils donnent consistance et volume au corps de la femme. Il semblerait presque que notre peintre ait voulu reproduire un autre art avec la peinture, à savoir la sculpture, comme pour démontrer la supériorité de la première sur la seconde. Pendant la Renaissance, en outre, le débat sur la primauté des arts était profondément ressenti et, avec ce cycle, Piero Pollaiuolo semble donner sa réponse à la question.
Une dernière remarque concerne le support sur lequel Pollaiuolo a peint les six panneaux du cycle qu'il a exécuté (la Forteresse, on s'en souvient, a été peinte par Botticelli). Il s'agit en fait de planches de cyprès, qui est un bois très résistant aux insectes qui se nourrissent du bois (et sont donc potentiellement les ennemis jurés des peintures sur panneaux) et à l'humidité. Le désir que le cycle pictural puisse durer longtemps de la meilleure façon possible est donc évident, ce qui – compte tenu de l'excellent état de conservation dans lequel les panneaux nous sont parvenus – a été parfaitement exaucé.
La Tempérance est la vertu morale qui modère l’attrait des plaisirs et procure l’équilibre dans l’usage des biens créés. Elle assure la maîtrise de la volonté sur les instincts et maintient les désirs dans les limites de l’honnêteté. La personne tempérante oriente vers le bien ses appétits sensibles, garde une saine discrétion et " ne se laisse pas entraîner pour suivre les passions de son cœur " (Si 5, 2 ; cf. 37, 27-31). La tempérance est souvent louée dans l’Ancien Testament : " Ne te laisse pas aller à tes convoitises, réprime tes appétits " (Si 18, 30). Dans le Nouveau Testament, elle est appelée " modération " ou " sobriété ". Nous devons " vivre avec modération, justice et piété dans le monde présent " (Tt 2, 12). (Catéchisme de l’église catholique 1809)
Veut-on devenir juste ? Les labeurs de la Sagesse produisent les vertus : elle enseigne la tempérance et la prudence, la justice et la force d’âme, et rien n’est plus utile aux hommes dans l’existence. (Sagesse 8, 7)
Vous savez bien que, dans le stade, tous les coureurs participent à la course, mais un seul reçoit le prix. Alors, vous, courez de manière à l’emporter. Tous les athlètes à l’entraînement s’imposent une discipline sévère ; ils le font pour recevoir une couronne de laurier qui va se faner, et nous, pour une couronne qui ne se fane pas.[1](1 Corinthiens 9, 24-25)
Soyez sobres, veillez : votre adversaire, le diable, comme un lion rugissant, rôde, cherchant qui dévorer. Résistez-lui avec la force de la foi, car vous savez que tous vos frères, de par le monde, sont en butte aux mêmes souffrances. (1 Pierre 5, 8-9)
Et pour ces motifs, faites tous vos efforts pour joindre à votre foi la vertu, à la vertu la connaissance de Dieu, à la connaissance de Dieu la maîtrise de soi, à la maîtrise de soi la persévérance, à la persévérance la piété, à la piété la fraternité, à la fraternité l’amour. Si vous avez tout cela en abondance, vous n’êtes pas inactifs ni stériles pour la vraie connaissance de notre Seigneur Jésus Christ. (2 Pierre 1, 5-8)
(Contribution de Vito Pongolini)
[1] Dans les trois dernières citations la parole utilisée en italien au lieu de discipline, sobres et maîtrise de soi est « temperante » ou celui qui a la vertu de la tempérance et la met en pratique.